Aller au contenu
Les prépas droit-éco

Lionel Paolella :
Enseignant-chercheur en management à l'université de Cambridge

“L’ENS ouvre de nombreuses portes, c’est un confort évident. Il faut justement en profiter pour être curieux et aller à la découverte de nouveaux territoires.”

Le mardi 18 août 2020, nous, avons discuté avec Lionel Paolella, un ancien du département droit-économie-management (2003-2007), pour le lancement des interviews d’élèves de l’Ecole Normale Supérieure de Rennes. Son profil a attiré notre attention car il avait suivi un parcours intéressant pour tous les normaliens qui souhaiteraient se diriger vers la recherche en management, en raison de son passage à HEC pour sa thèse et aussi du fait qu’il enseigne à l’Université de Cambridge. 
Après lui avoir présenté notre projet, il nous a accordé deux heures pour répondre à nos questions. Vous pourrez ainsi lire nos échanges (via Skype, COVID-19 oblige !).
*L’objectif ici est de retracer le parcours de façon chronologique afin de comprendre comment ses choix ont pu s’emboîter, avec plus ou moins de difficultés. 
 
Le parcours pré-ENS : dans quelle prépa étiez-vous ; en avez-vous gardé des souvenirs positifs ou non ? 

LP : J’étais dans la prépa du lycée Turgot car j’habitais en Picardie donc proche de Paris. À ce moment-là il y avait peu de prépas D1, et à Paris c’était surtout Turgot ou Bessières ; Turgot avait de meilleurs résultats au concours à cette époque et l’équivalence avec Paris 1 Sorbonne. 

J’ai de bons souvenirs de la prépa, je l’ai toujours bien vécu. Une fois la prépa intégrée, j’ai toujours été motivé par l’ENS, alors que beaucoup de camarades étaient plus indécis. Je voulais être prof de droit à l’époque et je me disais que l’ENS était une « belle institution » pour accomplir ça. 

Pourquoi l’ENS Rennes ? Est-ce que vous avez travaillé pour cet objectif ? 

LP : En prépa j’étais bon mais pas excellent, j’étais un peu en-dessous de la tête de classe si je me souviens correctement. Quelqu’un qui pouvait avoir le concours comme quelqu’un qui pouvait ne pas l’avoir : donc je savais que c’était possible tout en sachant que ce n’était pas non plus gagné. Je n’étais pas non plus distrait par Sciences Po. Donc oui j’étais concentré sur le concours d’entrée à l’ENS.

Le parcours à l’ENS : comment s’est organisée votre scolarité une fois à l’ENS ?

LP : À l’époque, on n’avait pas de choix de parcours, tout était fléché jusqu’à l’agrégation : on rentre, puis licence de droit à Rennes ainsi que le certificat de gestion ; puis maîtrise de droit européen et agrégation. 

Pourquoi avoir passé l’agrégation ? Vous a-t-elle semblé utile par la suite dans votre parcours ? Est-ce que c’est un diplôme qui a une valeur à l’étranger ou au contraire, c’est davantage votre doctorat qui est considéré ?  

LP : Je voulais l’agrégation, je valorisais cela. Dans le milieu universitaire français, l’agrégation ça « parle » (même si ça fait référence le plus souvent à l’agrégation de philosophie ou de sciences sociales). Quand on est à l’ENS, certains peuvent être démotivés pour l’agrégation, moi-même je ne voulais pas être prof dans le secondaire mais on ne sait pas de quoi la vie est faite donc j’étais très content de cette sécurité qui aurait été une très belle vie. C’est le côté sécurisant. 

Dans mon année on était 17 normaliens et il y a 15-16 places à l’agrégation si je me souviens bien : cela voulait dire qu’atteindre les 100% de réussite au sein du département était impossible donc là c’était devenu intéressant pour tout le monde d’un coup. 

L’agrégation a aussi été l’année la plus enrichissante à l’ENS et de toute ma scolarité, et de loin, car on retrouve cette rigueur que j’avais perdu en licence-maîtrise, à travailler, à faire des dissertations, à réfléchir (un peu). Surtout ce qui a compté pour moi, c’est que je n’avais pas pris droit (commercial) mais management et c’est tout un nouveau champ qui s’ouvrait à moi: de nouvelles théories, de nouveaux auteurs, une nouvelle matière : c’était très intéressant. Avec toujours ce confort-là de me dire que si j’étais sérieux, j’aurais l’agrégation ; il n’y avait aucune compétition entre nous. Cela enrichit énormément car l’agrégation est généraliste, ce qui est très important et on mésestime souvent cela alors que lorsqu’on est chercheur on est (trop) spécialisé. Je crois que le département pousse encore à passer l’agrégation et c’est une bonne chose de mon point de vue. 

Par contre à l’étranger, l’agrégation ça ne parle pas. 

Quel a été le meilleur souvenir/moment lors de la scolarité à l’ENS ? (Même si c’est un souvenir extra-scolaire) ?

LP : Personnellement, c’était l’année de l’agrégation, et rencontrer de nouvelles personnes. L’agrégation m’a marqué car c’était la découverte de nouvelles disciplines, et l’occasion de travailler de façon intense, etc. 

Il semblerait que le management vous ait plu et ça a influencé la suite de vos études, est-ce que ça a été un coup de cœur immédiat ? Pourquoi avoir choisi les disciplines qui ne sont pas le droit pour la thèse ?  

LP : Ça a été beaucoup plus progressif. J’aimais beaucoup le droit public donc c’est pour ça qu’à l’agrégation j’ai choisi le management afin d’éviter le droit commercial que je n’ai jamais aimé (d’ailleurs au concours D1 j’avais déjà pris droit public), de plus j’avais été influencé par un ami qui avait aussi pris management (Salut à toi Fred !). 

Après, je me suis intéressé à la théorie du droit, avec le projet de faire une thèse avec Michel Troper à Paris X (c’était précis !). 

Ensuite, avec le management, c’était un grand bol d’oxygène car la discipline était nouvelle. C’était aussi une question stratégique car il y avait beaucoup plus de postes dans ce domaine comparé au droit par exemple. Mon parcours a basculé après cela. 

Cette interrogation c’était donc au moment de faire le choix du M2, juste après l’agrégation ?

LP : Oui, avant le tunnel de la préparation de l’agrégation. 

Le parcours après-ENS : pourquoi un M2 en sciences de l’organisation ? Il semblerait que vous soyez encore parti sur quelque chose d’assez atypique / personnalisé avec l’EHESS puis ensuite HEC ? Pourquoi ce choix ? 

LP : C’était un diplôme co-accrédité par 5 écoles, géré par Paris X avec des enseignants de ces 5 écoles différentes. Pour poursuivre la discipline de management étudiée à l’agreg, j’ai décidé de faire un M2 en sciences de l’organisation. Et en même temps, un M1 de sociologie à l’EHESS (Ecole des Hautes Études de Sciences Sociales) parce que le management (intéressant) peut se rapprocher beaucoup de la sociologie, donc je me suis dit que j’allais combiner les deux. L’EHESS c’était un peu ma récompense de l’agrégation car c’était aussi le lieu de tous les auteurs que je lisais, qui me donnaient envie de continuer dans la recherche. 

Mon M2 ne me plait pas beaucoup parce que je n’apprends pas grand-chose de nouveau. Après j’ai pris un an de congés sans soldes pour faire mon M2 de sociologie. J’étais content de continuer à l’EHESS mais c’était impossible d’avoir une bourse pour la thèse et je me disais peut-être que je pourrais profiter de l’AMN (allocation de moniteur normalien) pour faire une thèse à l’EHESS avec un directeur de recherche qui me plaisait. Cependant, il n’y a que très peu de postes en sociologie, donc j’avais en tête une thèse sociologie des organisations afin d’être qualifié également en gestion par le CNU. 

Comment vous découvrez qu’HEC peut vous financer pour faire votre thèse ?

LP : C’est complètement accidentel. Il y avait une rumeur que l’AMN allait être supprimée. Je cherche donc un programme doctoral avec un financement Je fais mon M2 de sociologie et une amie normalienne me parle d’HEC: le programme a l’air bon, il y a un financement automatique, et ele travail d’un professeur là-bas m’intéressait, à la croisée de la sociologie et du management. Finalement la rumeur sur l’AMN était infondée et celle-ci a été maintenue. J’ai ainsi été à HEC avec l’AMN en 2008. Le programme étant un PhD (à l’américaine) en 4-5 ans, j’ai eu 3 années d’AMN puis 2 ans financé par HEC, ce qui m’a offert un grand confort. 

Ma thèse a été écrite en anglais et j’ai un doctorat français délivré par l’IAE de Paris 1. Il s’agit d’une thèse en sciences de gestion (section 6 au CNU) où je mêle sciences de gestion et sociologie (plus précisément, il s’agit d’une thèse sur les classements et les segmentations de marché des cabinets d’avocats d’affaires). 

Vous faites toujours du droit ? 

LP : J’ai complètement abandonné le droit aujourd’hui malheureusement ; même si je suis affilié à un centre de recherche sur les professions juridiques à Harvard qui est rattaché à la Law School. Aux US, il existe les legal studies (sciences sociales du droit) et c’est mon seul lien avec le droit. Mais je lis encore des revues de droit car le droit a cette propriété géniale de tout se réapproprier et que de nombreux domaines sont explorés en droit. Mais le droit substantiel, non. 

Quel a été l’apport du magistère sur la poursuite d’études et la vie professionnelle ?

LP : La formation à l’ENS est vraiment intéressante, elle est généraliste et pluridisciplinaire. Ça permet de « goûter » à plusieurs choses, c’est très confortable en tant que normalien comme cadre d’études. À l’époque, nous étions 17 avec 2 normaliens étudiants. L’année de l’agrégation est très importante car elle permet d’acquérir et d’approfondir de nouvelles connaissances, de manière rigoureuse. Ça donne également une grande liberté d’action car on se dit qu’on va à l’EHESS par exemple, toujours en ayant la sécurité de l’agrégation : cette sécurisation permet de prendre davantage de risques dans la formation post-ENS. Peut-être certains enseignements auraient pu être axés vers la recherche, une introduction à la recherche dans tous les domaines étudiés.

Auriez-vous fait le même parcours sans l’ENS ? 

LP : L’ENS ouvre de nombreuses portes, c’est un confort évident. Lors de la recherche de masters, c’est très valorisé comme parcours.

Maintenant que vous vous êtes orienté vers l’enseignement à l’étranger, est-ce que vous avez senti une différence avec l’enseignement plus traditionnel français ? Était-ce quelque chose que vous vouliez justement « éviter » ?  

LP : Lors du doctorat à HEC, on laisse le « choix » sur la langue de la thèse (français ou anglais). Dans mon département, il y avait un certain format et c’était l’anglais qui était généralisé. La thèse se fait en trois articles (comme en économie), ce qui est très différent des thèses classiques en droit. Ce dont on ne se rend pas compte, c’est que pour les business schools, la compétition se fait sur le marché international : elles sont notées à l’international, tous les cours sont en anglais et les professeurs sont de toutes les nationalités. Le classement se fait selon des règles très particulières puisqu’il faut publier des articles dans les meilleures revues de sa discipline (et seulement dans celles-ci) qui ont des standards bien à elles. Ce nouveau monde cherche à placer ses doctorants vers de bonnes universités internationales, de façon à se faire un « nom », une réputation. D’autres écoles sont moins tournées vers ce virage international, alors qu’HEC a fait en sorte de s’intégrer dans le marché mondial puisqu’aujourd’hui en finance par exemple, elle se situe parmi les meilleurs et arrive à placer ses doctorants dans de très prestigieuses universités américaines.

HEC encourage à aller à l’étranger pour les recrutements mais j’ai aussi fait ce choix pour des raisons personnelles. En France pour enseigner, il faut passer la qualification, le CNU, trouver un poste alors qu’il y a assez peu de postes et des conditions de travail moins intéressantes. C’est beaucoup moins centralisé à l’étranger : une conférence annuelle en août donne le point de départ du « job market » puis en septembre/octobre, les doctorants postulent directement aurpès des universités et celles-ci vous invitent ou pas. Les critères de sélection sont variés : la réputation de l’université où l’on a fait sa thèse, la réputation du directeur de thèse, et le potentiel de publication du candidat (aujourd’hui pour avoir un super poste – poste dans une grande université – il faut une publication dans une des meilleurs revues). Pour ce qui est des moyens, c’est assez incomparable ; à l’international, il y a trois rangs : Assistant professor, Associate et Full professor et même au premier rang, les rémunérations sont importantes. C’est pareil pour le budget de recherche, pour inviter d’autres chercheurs, pour des conférences, etc. Ça n’a rien à voir. Je n’ai que 70 heures de cours dans l’année. Cependant, ça a ses inconvénients aussi : à l’international lorsqu’on est assistant (ou associate dans certaines facs) professeur, il y a la « tenure track » (= titularisation contractuelle), on est pas titularisé au début, on doit remplir des critères pour obtenir la tenure (aux États-Unis, il faut parfois jusqu’à 10 ans pour faire ses preuves et c’est très stressant comme système). À Cambridge, les critères sont élevés mais c’est sur 4 ans : une fois tenuré (titularisé), on n’a pas nécessairement une promotion (ce n’est pas le cas aux États-Unis où la tenure et la promotion sont liées). 

Y a-t-il un stage qui vous a particulièrement marqué, une expérience qui vous a été bénéfique et qui vous a conforté dans vos choix professionnels ? 

LP : Lorsque je suis arrivé en 2A/M1, c’était la première année où un stage était obligatoire pour la validation du magistère. J’ai fait un stage auprès d’un juge du TGI de Bobigny, qui était mon chargé de TD en classe préparatoire. 

D’ailleurs, j’adorerai accueillir des étudiants pour un stage de recherche : qu’on soit à fond sur la recherche ou juste pour tester, pour 1, 2 ou 6 mois ça m’intéresserait de faire lire des articles à des étudiants, les faire travailler sur des projets et écrire un petit papier. À l’époque, la question des stages était moins développée qu’aujourd’hui. 

La vie professionnelle : nos lecteurs doivent se demander comment s’organise l’enseignement et la recherche à l’étranger, qu’est-ce que vous enseignez aujourd’hui ? Quels sont vos domaines de recherche ? 

LP : Aujourd’hui, je suis « assistant professor » à l’université de Cambridge à la Judge Business School, soit l’école de commerce de l’université de Cambridge. Il y a une structuration par département / faculty et la business school est un des départements de l’Université de Cambridge (soit on est une école de commerce « stand alone » comme INSEAD ou alors on est au sein d’une université généraliste comme la Judge Business School qui fait partie de Cambridge). L’équivalence serait maître de conférence en France. J’enseigne et je fais de la recherche. Il y a une forte pression à publier dans un cercle restreint de journaux. Je suis aussi affilié à un centre de recherche de Harvard Law School, à la suite d’un visiting: je suis en contact avec un groupe de chercheurs, et je peux m’y rendre pour mes recherches. 

Judge Business School est une « graduate school », c’est à dire qu’il n’y a que des étudiants qui ont déjà un « Bachelor » (oui qui sont en dernière année d’études à Cambridge). L’école offre plusieurs programmes : des masters, un MBA (Master of Business Administration) EMBA (Executive MBA), et de l’executive education. Les MBA sont des étudiants qui ont fait des études initiales, ont travaillé 4-5 ans et reviennent faire un an de formation de management (pour ajouter des qualifications pour une promotion, apprendre à monter sa entreprise, etc.). Les étudiants ont entre 26 et 32 ans et les frais de scolarité s’élèvent à 60 000 euros l’année ; les EMBA sont des personnes qui ont fait une formation initiale, ont travaillé 10/15 ans et reviennent pour une formation supplémentaire en vue d’un poste de direction (c’est-à-dire pour rafraîchir leurs compétences), ils ont entre 40 et 50 ans ; et enfin, l’executive education est de la formation continue : pendant quelques jours on fait un programme thématique (séminaires dans le cadre de son travail pour les participants, pour acquérir de nouvelles compétences). J’enseigne le cours de Stratégie en MBA à Cambridge.

À côté, je fais de la recherche. Cela signifie que je lis la littérature, j’essaie d’identifier un manque/une contradiction, ou un phénomène non étudié, et je pose une question de recherche, je fais une revue de littérature  et je détermine ce que je peux apporter : j’émets des hypothèses, et je teste celles-ci en adoptant une méthode. Ce peut être qualitatif (interview, ou de l’observation éthnographique par exemple), quantitatif (faire des modèles statistiques sur la base de données). En ce moment, je travaille sur les cabinets d’avocats : j’observe que plus il y a de femmes associées (au top de l’organisation) et moins ces cabinets embauchent des avocates en première année (en bas de l’échelle). Il y a un effet « pervers » : plus il y a de femmes at the top de l’organisation, moins cette organisation embauche des femmes at the bottom. Sur 10 ans, j’ai des données sur 200 firmes américaines, je montre un lien statistique puis la théorie vient expliquer cela (alors que la littérature existante estime que la gender diversity au top influence positivement la gender diversity partout). On fait un article de 30, 40 ou 50 pages, très souvent co-écrit, puis on soumet l’article à des revues. Le publication process commence alors : on soumet à la revue qui envoie l’article de façon anonyme à des « reviewers » (des pairs) spécialistes du domaine. Ces reviewers soumettent leur avis de 3-4 pages à l’éditeur de la revue et celle-ci ou celui-ci prend une décision en fonction de l’avis rendu par les reviewers, de la possibilité ou non d’amélioration, de l’intérêt de l’article. La plupart du temps la réponse est négative (reject), sinon on reçoit un « R&R » ( revise and resubmit). Dans ce dernier cas, on retravaille l’article que l’on resoumet à la revue. Les mêmes reviewers vont ré-évaluer l’article modifié et redonner un avis, puis on reçoit une nouvelle décision : reject, ou encore revise and resubmit. Et ainsi de suite pendant 3-4 tours jusqu’à rejet ou acceptation définitive. En moyenne, le taux d’acceptation dans les meilleures revues est de 6%. Le processus de publication prend souvent plusieurs année. Lorsqu’on a une tenure track de 6 ans par exemple, il faut soumettre sans cesse et c’est pour ça qu’on a recours aux co-auteurs pour gagner du temps/répartir le travail. 

Quelles sont les perspectives et vos projets d’évolution ? Souhaitez-vous continuer l’enseignement à l’étranger ? 

LP : Je suis bien à Cambridge pour l’instant. Revenir en France n’est pas pour tout de suite, ça serait sur des critères plus personnels. Mes co-auteurs sont à l’international donc cela ne serait pas problématique de bouger. 

Vous avez été nommé dans le classement “Best 40 under 40 Professors” de Poets & Quants ou encore “MBA Faculty of the Year Award” : quel est l’influence de ces prix en tant que professeur et chercheur ? 

LP : Ca compte sans compter… Ça permet de se faire un peu connaître, d’être dans le « radar » et ça peut donc jouer indirectement en interne dans son institution, ou avoir des offres d’autres universités.. Pour les 40 under 40 de Poets & Quants, chaque année, une liste est établie basée sur le profil recherche des professeurs (30%) et le feedback des étudiants (70%). 

L’académie est le royaume des petites différences. L’évaluation de la qualité de nos recherches est difficile pour des non spécialistes du domaine, et cela demande beaucoup de temps donc le milieu académique utilise des critères quantitatifs (nombre d’articles publiés, prestige des revues, citations, prix) pour gagner du temps et ne pas à avoir lire les articles. Compter va plus vite que lire ! Tout n’est qu’une question de signal parfois…

Question personnelle : vous précisez de nombreux éléments sur le monde de la recherche et il est certain que vous avez un certain recul sur votre scolarité, à l’ENS mais aussi ailleurs.  Avez-vous des conseils pour les normaliens ? 

LP : L’ENS Rennes ouvre des portes assurément, mais il faut aller les chercher ces portes ! Tout ne vient pas à soi mais lorsqu’on le fait, les portes s’ouvrent. Je vous conseille à tous de vous valoriser, c’est à notre portée et on en est tous capable. 

Profitez du confort de l’ENS ! C’est à dire soyez curieux intellectuellement, découvrez d’autres choses, de nouveaux territoires (disciplinaires et géographiques). On est en mesure de réussir nos années mais il faut explorer les choses, de nouvelles disciplines, ouvrez-vous. Encore plus quand on veut faire de la recherche (en économie, management). En doctorat, il y a très vite une pression pour publier, donc très rapidement on a beaucoup (trop) de lectures utilitaristes, qu’on peut mobiliser tout de suite dans ses travaux de recherche , donc à l’ENS il faut en profiter pour lire pour son bon plaisir, de s’intéresser à la psychologie, à la sociologie, à la philosophie, etc. Il ne faut pas s’arrêter à un seul domaine car tout peut être utile en recherche (et le plus souvent les choses qui paraissent le plus éloignées de notre objet d’étude se révèlent les plus intéressantes). 

Ouvrez-vous à l’international : je n’ai pas de hiérarchie, ce n’est pas forcément mieux à l’étranger qu’en France, c’est autre chose, et certaines choses correspondent à certains mais pas à d’autres. Il faut surtout se donner l’occasion de découvrir et d’explorer, on a plein de compétences à faire valoir et il faut garder cette possibilité à l’esprit. Il faut imaginer le champ des possibles le plus vaste possible après l’école et ne pas hésiter à sortir des sentiers battus. Notre parcours pluridisciplinaire peut être valorisé dans plein de domaines, il faut les explorer et voir ce que font d’autres personnes ailleurs. Ne pas être paresseux intellectuellement est essentiel. 

Faire une thèse à l’étranger doit se décider en amont car il faut aussi faire le master à l’étranger, pensez-y donc en avance.

Pour plus d’informations, vous trouverez sa page professionnelle : https://www.jbs.cam.ac.uk/faculty-research/faculty-a-z/lionel-paolella/

Interview réalisée par Amina LAMMARI et Odessa MASSON, membres de l’association UbiDEM