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Les prépas droit-éco

Amel Jakupovic: Élève magistrat à l'ENM et auditeur de justice

“Quoiqu’il en soit, il faut avoir confiance en soi, faire ce qui nous plaît et pas forcément ce que font les autres, et ne pas avoir peur de se tromper."

Le vendredi 9 octobre 2020, Amel Jakupovic, un ancien du département Droit-Economie-Management (2014-2017), a accepté de répondre à nos questions dans le cadre des interviews d’anciens élèves de l’Ecole Normale Supérieure (ENS) de Rennes organisées par son association UbiDEM. Après avoir suivi la préparation au concours de l’École Nationale de la Magistrature proposée par l’ENS, il a été reçu major de la session 2018. Son profil est particulièrement intéressant car il correspond à un désir croissant des normaliens : avoir davantage de perspectives dans la magistrature et notamment par l’exigeante préparation pour le concours de l’ENM. Il a accepté de revenir sur son parcours, ses motivations et sa préparation au concours.
Après lui avoir présenté notre projet, il nous a accordé du temps pour répondre à nos questions. Vous pourrez ainsi lire nos échanges (par mail, COVID-19 oblige !). 
*L’objectif ici est de retracer le parcours de façon chronologique afin de comprendre comment ses choix ont pu s’emboîter, avec plus ou moins de difficultés.
 
Le parcours pré-ENS : Dans quelle prépa étiez-vous ?  

AJ : Avant d’intégrer l’ENS, j’ai suivi deux années de classe préparatoire D1 au Lycée Juliette Récamier à Lyon, en partenariat avec la faculté de droit de l’Université Lyon II Lumière.

Pourquoi l’ENS Rennes ? Aviez-vous déjà en tête d’intégrer la prépa ENM ? Quelle continuité vis-à-vis du parcours antérieur ? Pourquoi avoir choisi le droit ?  

AJ : A l’issue de mon baccalauréat filière ES, je souhaitais avant tout étudier le droit, pour des raisons multiples, la principale étant que le droit est une porte ouverte à des professions variées qui sont au cœur de la cité.

À vrai dire, je ne connaissais pas réellement les ENS avant d’intégrer la classe préparatoire D1, laquelle était à l’époque également peu connue. J’ai surtout fait le choix de cette orientation parce que la D1 me permettait d’étudier le droit tout en me confrontant aux exigences du système des classes préparatoires, alliant des enseignements transversaux (économie, culture générale, mathématiques), une grosse charge de travail et des évaluations très régulières. J’ai énormément appris sur moi-même au cours de ces deux années, et ai développé des capacités qui ont fait que l’entrée à l’ENS Rennes devenait sérieusement envisageable.

Les forces de la classe préparatoire D1 sont la pluralité des enseignements et les partenariats avec les facultés de droit. L’ENS Rennes, qui reprend ce schéma au sein du département droit, économie, management, s’inscrit logiquement dans la continuité de la prépa D1. C’est donc tout naturellement que j’ai fait le choix d’intégrer cette grande école.

J’avais par ailleurs entendu parler de la préparation au concours d’entrée à l’École nationale de la magistrature dispensée à l’ENS Rennes, par l’intermédiaire d’un khôlleur qui l’avait suivie et en avait vanté les mérites. Même si je n’étais pas encore à l’époque certain de m’orienter vers la magistrature, il est évident que le fait que l’ENS soit un moyen d’y accéder a joué dans mon choix d’orientation.

Le parcours à l’ENS : Le parcours ENM de l’ENS vous a-t-il plu ?  

AJ : Je pense que la préparation au concours d’entrée à l’ENM dispensée par l’ENS Rennes est bien construite, et particulièrement adaptée au profil des étudiants qui la suivent. C’était du moins le cas lorsque je l’ai suivie, sachant que la taille des promotions a augmenté. Nous étions huit en 2016-2017, dont cinq étudiants de l’IEP de Rennes avec laquelle l’ENS débutait tout juste un partenariat.

Cette prépa exige une grande autonomie et une importante capacité de travail, dans la mesure où les supports de cours sont à construire soi-même, à partir d’ouvrages divers. Les cours en présentiel, par des enseignants, magistrats ou avocats sont essentiellement des précisions, des approfondissements et des mises en pratique des connaissances théoriques acquises en amont. Le fait d’avoir effectué une classe préparatoire avant mon entrée à l’ENS fait que la plupart des méthodes de travail étaient déjà acquises. Je me suis donc très bien senti pendant cette année de préparation, et ai fait de belles rencontres grâce au brassage avec les étudiants de l’IEP de Rennes.

Si, au final, je n’ai pas réussi à intégrer l’ENM à ma première tentative, ce n’est absolument pas en raison des lacunes éventuelles de la prépa, la preuve en étant que j’ai eu le concours l’année suivante, en parallèle de mon master 2, en me servant principalement de ce que j’avais déjà fait à l’ENS.  

Quel a été l’apport du magistère sur la vie professionnelle et étudiante ? Quelles compétences avez-vous acquises et optimisées ?  

AJ : L’intérêt de la formation suivie à l’ENS réside notamment dans l’acquisition de connaissances dans des matières très diverses, qui peuvent faire la différence lorsque l’on est mis en concurrence avec d’autres étudiants, notamment en droit. C’est ainsi par exemple que lors de l’épreuve dite de « connaissance du monde contemporain », qui était jusqu’en 2019 le plus gros coefficient du concours d’entrée à l’ENM, j’ai développé des concepts vus et approfondis à l’École normale supérieure sur un sujet portant sur la solidarité (théorie des jeux, new public management, économie du travail, etc.). Je pense que c’est l’approche pluridisciplinaire qui m’a permis de me démarquer et ainsi d’obtenir la meilleure note en 2018 sur cette épreuve.

Outre les connaissances, le magistère permet de développer des compétences telles que le travail en groupe, la problématisation des sujets et la maîtrise des outils de recherche, notamment juridiques. Ces compétences m’ont été très utiles en master 2, notamment pour la rédaction de mon mémoire de recherche.

Y a-t-il un stage qui vous a particulièrement marqué, une expérience qui vous a été bénéfique et qui vous a conforté dans vos choix professionnels ?

AJ : A la fin de ma licence, j’ai réalisé un stage conventionné par l’Ecole normale supérieure au sein du tribunal de grande instance de Valence, qui a conforté mon choix pour la magistrature.

Quel a été le meilleur souvenir de votre  scolarité à l’ENS ? 

AJ: Il y a tellement de bons souvenirs qu’il m’est difficile de choisir. Je pense que mon investissement dans la Comuze, notamment comme comédien en 2015/2016, restera l’un des meilleurs.

Avez-vous réalisé une année de césure ? 

AJ : Non.

Avez-vous réalisé un Erasmums ? 

AJ : Non plus.

Le parcours post ENS : Pourquoi avoir intégré le Master 2 Droit pénal et sciences pénales de l’Université  Panthéon-Assas en quatrième année ?  

AJ : Après ma troisième année à l’ENS, consacrée à la préparation du concours de l’ENM, j’ai souhaité effectuer en quatrième année un master 2 qui me soit utile pour intégrer la magistrature. Compte tenu des cursus ENS dans les facultés, le droit pénal était clairement un manque dans mon parcours. J’ai donc voulu suivre un master 2 en droit pénal, même si cela n’a pas été chose aisée. En effet, alors même que je maîtrisais le programme de droit pénal du concours d’entrée à l’ENM, le fait qu’à l’époque, le master 1 à l’ENS était obligatoirement en droit européen s’est révélé être un frein (NDLR: à l’époque, le M1 était commun à tous les parcours, la préparation du concours avec l’IEP ne s’effectuant qu’en M2, aujourd’hui, les parcours sont distincts dès la sortie de L3). Il m’a été répondu par beaucoup d’universités que mon parcours ne correspondait pas à celui exigé pour intégrer leur master 2 de droit pénal, ce qui était assez déroutant. Au final, après ces refus, j’ai eu de la chance que les directeurs du Master 2 Droit pénal et sciences pénales de l’Université Paris 2 Panthéon-Assas, qui était mon premier vœu, soient davantage intéressés par la qualité des parcours que par l’intitulé des enseignements reçus.

La vie professionnelle : Quelle profession aimeriez-vous exercer en sortant de l’ENM ? Quelles sont les perspectives et projets d’évolution ?  

AJ : Je suis actuellement en période de stage au tribunal judiciaire de Bobigny, durant laquelle je m’exerce à toutes les fonctions susceptibles d’être choisies à la sortie de l’Ecole. Même si je me laisse bien sûr la possibilité de changer d’avis, je pense que je prendrai mon premier poste au parquet comme substitut du procureur. La richesse de la magistrature réside notamment dans la possibilité de changer de fonctions après quelques années et ainsi d’exercer plusieurs métiers durant sa carrière. Je n’exclus donc pas la possibilité de prendre un poste au siège, pourquoi pas à l’instruction, après quelques années au parquet.

Questions personnelles : Quels conseils pourraient être donnés à un jeune normalien en cours de formation ? Avez-vous eu des moments de doutes, des hésitations au cours de votre scolarité ?  

AJ : Bien évidemment, avec le recul, les parcours des anciens élèves semblent généralement cohérents, comme si tout coulait de source. En réalité, il y a chaque année des moments de doute et des hésitations, des choix d’orientation à faire, d’autant plus que les parcours se sont diversifiés au sein-même du département droit-économie-gestion ces dernières années. Quoiqu’il en soit, il faut avoir confiance en soi, faire ce qui nous plaît et pas forcément ce que font les autres, et ne pas avoir peur de se tromper. Un autre conseil est de profiter au maximum des instants privilégiés que l’on vit à l’ENS parce que ces années passent très vite et on en est souvent nostalgique.

Des regrets ? En matière d’autocensure, de demandes « audacieuses » etc ?  

AJ : Je n’ai pas vu, à l’ENS, l’intérêt d’effectuer une année à l’étranger dans le cadre du programme ERASMUS. Avec le recul, je regrette un peu ce choix. Si j’ai vécu de très bons moments à l’École, et y ai développé de belles amitiés, j’aurais peut-être dû sortir de cette zone de confort et découvrir d’autres cultures et d’autres méthodes d’enseignement.

Pour plus d’informations, vous pouvez consulter son profil : https://www.linkedin.com/in/amel-jakupovic-385265b0/

Interview réalisée par : Pierre Douriaud et Inès Riou – Association UbiDEM de l’ENS Rennes